Dans le domaine de l’alimentation, les conseils, injonctions et régimes miracles sont légion. Dans un paysage aussi vaste, et plein de contradictions, s’alimenter correctement devient un casse-tête du quotidien. On en vient à regarder son frigo d’un autre œil, à devenir suspicieux en face de son assiette de ratatouille.
Revenons à une définition de base. Le fait de manger, ou la nutrition, est défini comme l’ensemble des processus de transformation des aliments pour leur utilisation métabolique. La nourriture fournit notamment des nutriments au corps, lesquels permettent à notre organisme d’assurer sa construction et son fonctionnement. Les nutriments sont donc d’une importance vitale et il devient intéressant de réfléchir à la meilleure façon de les préserver.
Que sont les nutriments finalement ?
L’importance de l’alimentation pour la santé semble plaider en faveur d’une attention particulière portée à celle-ci. Un autre élément rentre cependant en ligne de compte : la baisse globale de la teneur en micronutriments des légumes depuis les années 1970-1980. Ce phénomène serait directement lié à l’appauvrissement des sols dans le sillage des pratiques agricoles intensives. Le recours aux produits chimiques vient compenser cette situation en termes de rendement, mais ne permet pas d’enrayer la baisse de qualité de l’alimentation, sans même parler de l’impact des pesticides sur la santé. Dans ce cas de figure, réfléchir à optimiser ses repas est plus que salutaire.
Les nutriments se divisent en deux catégories principales : les macronutriments et les micronutriments. Les premiers se composent des glucides, lipides et protéines tandis que les seconds sont constitués des vitamines, minéraux et oligo-éléments, mais aussi des polyphénols, caroténoïdes, acides gras (tels les oméga-3), acides aminés, pré- et probiotiques… La transformation des aliments par la cuisson, la fermentation, la salaison, etc., a un impact sur ces substances. Faire cuire les aliments, par exemple, favorise l’assimilation de certains d’entre eux, et peut même être nécessaire – notamment pour certains macronutriments – pour les rendre comestibles ou au moins digestibles. C’est le cas par exemple de l’amidon qui n’est digeste que cuit. La cuisson permet également la destruction des virus, parasites et bactéries. En fonction des aliments, il est toutefois judicieux de l’optimiser.
La problématique du mode de cuisson
La cuisson peut aussi avoir des effets négatifs sur les vertus des aliments, notamment en altérant les vitamines. Des brocolis cuits à l’eau, par exemple, perdent entre 20 et 75 % de certains vitamines et minéraux. Une récente étude chinoise a révélé une particularité du brocoli et la solution pour une cuisson qui préserve parfaitement les propriétés antioxydantes de ce légume. Pour bénéficier de l’un de ses composants, le sulforaphane, il faut un peu maltraiter le chou. En effet, les chercheurs ont démontré que les niveaux de concentration de cette substance, dont on pense qu’elle pourrait avoir des propriétés anticancer, étaient 2,8 fois plus importants lorsque le brocoli avait été coupé en petits morceaux. Le légume doit ensuite reposer une demi-heure avant d’être cuisiné. Dans l’idéal, on fera sauter les morceaux à la poêle sur un feu doux.
Globalement, la raison principale de la déperdition des micronutriments résiderait davantage dans le type de cuisson, qui semble avoir plus d’impact que la chaleur. « D’une manière générale, la cuisson vapeur engendre une perte de 10 à 30 % des micronutriments ; dans l’eau, elle est de 50 à 70, voire 90 % », précise Catherine Renard, directrice de recherche à l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement). En réalité, il existe des solutions : par exemple, conserver les eaux de cuisson des légumes riches en vitamine B et C (vitamines hydrosolubles) ou des poissons et s’en servir pour cuisiner des soupes. Mais même dans ce cas, la cuisson optimale semble être la vapeur douce, aux alentours de 95 °C. Ajouter un corps gras peut aussi favoriser l’absorption de certains composants, comme c’est le cas pour les épinards. On les consommera cuits à la vapeur ou sautés, et un peu d’huile aidera à l’assimilation des caroténoïdes qui ont des propriétés antioxydantes et favorisent le bon état de la peau.
Dans certains cas particuliers, la cuisson peut aussi permettre l’absorption des nutriments. C’est le cas par exemple du lycopène, un caroténoïde responsable de la couleur rouge de la tomate. Celui-ci pourrait notamment protéger du cancer de la prostate. Naturellement présent dans l’enveloppe cellulaire des tomates, cet antioxydant est mieux absorbé après cuisson. Il est donc judicieux de ne pas se limiter aux tomates en salade mais de les consommer également cuites. C’est une particularité que des chercheurs ont eu l’occasion d’évaluer, comme nous l’explique Catherine Renard : « On a dosé les niveaux de cette substance dans le sang d’habitants de plusieurs pays et on a remarqué qu’elle était plus abondante dans les endroits où l’on consomme davantage de ketchup et de pizzas que de tomates. » De plus, le lycopène est un agent soluble dans le gras, ajouter par exemple de l’huile d’olive à un coulis permettrait donc une meilleure absorption par les parois intestinales.
Plaisir et variété… et vive le frais !
Nous l’avons vu, la cuisson a un effet sur les nutriments. D’une manière générale, les aliments transformés tels que l’on en trouve dans le commerce ont des qualités nutritionnelles beaucoup moins intéressantes que les aliments non transformés. En effet, ces produits sont généralement soumis à des cuissons à de très fortes températures. Une fois à la maison, ils sont souvent réchauffés ce qui a tendance à finir de « tuer » les nutriments présents dans la nourriture.
Le plus important est donc de favoriser une alimentation variée et des apports en produits frais réguliers. « Les fruits et légumes sont des éléments importants pour une alimentation saine mais ils contribuent aussi à apporter de la couleur et de la diversité, il faut se faire plaisir », insiste Catherine Renard, directrice de recherche à l’Inrae et spécialisée dans l’ingénierie des aliments.
La fragilité des nutriments
Dans certains cas encore, il vaut mieux éviter toute cuisson. C’est le cas pourl’ail, allié santé par excellence. Des chercheurs se sont penchés sur ses bienfaits en termes de santé cardiovasculaire. Il apparaît que l’un de ses composants, l’allicine, pourrait réduire la production de TMAO (triméthylamine-N-oxyde), une substance générée par le microbiote intestinal lors d’une consommation trop importante de produits carnés ou laitiers. Cet agent, le TMAO, est lié à des risques accrus de maladie cardiovasculaire. Pour bénéficier des vertus de l’allicine, l’ail doit être mangé cru et « dégradé » : haché, écrasé ou en jus. Ce composé serait en effet absent des gousses intactes. L’ail possède en outre des propriétés antibactériennes et anti-inflammatoiresattestées par plusieurs études.
Dans la préservation de la valeur nutritionnelle des aliments, la conservation a elle aussi un rôle à jouer. Un mode de conservation intéressant semble être la congélation. « Les fruits et légumes en conserve et surgelés ont souvent des qualités nutritionnelles supérieures au frais, détaille Catherine Renard. Ils sont en effet récoltés à l’optimum de maturité et traités dans les vingt-quatre heures. » La conservation par le froid va figer les vitamines et minéraux, qui sinon risqueraient d’être malmenés par le transport. La stérilisation (de préférence en bocaux faits maison) présente des avantages similaires. Si l’on observe une perte de micronutriments légèrement supérieure, elle reste une solution de conservation avantageuse. Les fruits et légumes surgelés et en conserve ont en plus l’avantage de ne pas nous faire dépendre de la saisonnalité, ce qui facilite une alimentation variée tout au long de l’année.
Pour ce qui est des légumes frais, une fois à la maison, ils doivent être stockés le moins longtemps possible pour éviter de détériorer leurs qualités nutritives.Certains d’entre eux exigent néanmoins des modes de stockage particuliers. Ainsi, exposer quelques heures les champignons à la lumière avant consommation permettrait de booster leur production de vitamine D. Attention toutefois de bien associer les fruits et légumes dans le rangement et de se méfier des fruits « climactériques ». Il s’agit de ces fruits qui continuent à mûrir rapidement une fois récoltés car ils produisent un gaz, l’éthylène,qui a tendance à aider le mûrissement, et à terme dégrader les fruits et légumes à proximité. En tête des plus gros producteurs d’éthylène : les pommes, les pêches et les bananes.
Laisser mûrir chez soi le légume venu de loin.
De nombreux fruits du commerce viennent de loin. Pour des questions de logistique et de transport, ces aliments sont souvent cueillis alors qu’ils ne sont pas encore à maturité et laissés ensuite dans des salles pour mûrir avant d’être commercialisés. Cette méthode entraînerait une teneur moindre en nutriments, les fruits et légumes ayant mûri à la lumière artificielle.
Dans le cas d’un légume cueilli loin de son point de vente, il vaut donc mieux l’acheter moins mûr et le laisser arriver à maturité chez soi, à la lumière naturelle. À noter toutefois qu’une trop longue conservation a également un effet négatif sur la teneur en nutriments. Lorsque l’aliment commence à se dégrader, processus entamé dès la cueillette, les taux de micronutriments diminuent rapidement.
Lorsque l’on fait ses courses, il vaut donc mieux acheter juste le nécessaire.
Pour manger au mieux en fonction de ses besoins, il est aussi important de choisir autant que possible des légumes de saison et de proximité. Des légumes cueillis à maturité et qui n’ont pas souffert d’un temps de transport trop important, ne seront que plus chargés en nutriments… et meilleurs au goût.
Marjorie Charpentier rédigé le 23 juin 2022 à 11h47
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